Le chemin du désir
par Yann Thibaud
Sommes-nous ici pour souffrir ou pour jouir, nous taire ou nous exprimer, nous résigner
ou nous réaliser ?
Notre existence possède-t-elle un but, un sens ou une finalité
qui nous est propre ou bien n’est-elle, comme on nous le dit parfois,
qu’une succession de hasards ?
Que sommes-nous venus faire sur Terre ?
Écouter son rêve
Si nous sommes sur Terre pour nous réaliser, alors rien n’est
plus important que de découvrir ce pour quoi nous sommes faits,
ce que nous sommes venus comprendre, accomplir, changer et devenir.
Et au terme de notre existence, à l’heure du bilan, nous nous
sentirons heureux ou amers, comblés ou frustrés, selon que
nous aurons écouté ou non notre voix intérieure,
selon que nous aurons accompli ou non notre rêve, but ou mission
de vie.
Mais pourquoi notre vie aurait-elle un but ? D’où cette idée
provient-elle ?
On ne trouvera pas la notion de but de vie dans les dogmes des grandes
religions révélées, ni dans les idéologies
et systèmes qui servent habituellement de référence
ou de repère, car cette idée provient en réalité
de l’expérience intérieure.
En effet lorsque l’on se tourne vers soi, lorsque l’on se met à
l’écoute de ses sentiments et désirs profonds, on réalise
que depuis toujours, on est porté, poussé et nourri par
des rêves et des aspirations qui se sont manifestés à
différents moments de l’existence que l’on a menée
et qui donnent à celle-ci tout son sens.
Ainsi le but de vie ne peut être déterminé par le
raisonnement, ni par l’application d’un système de croyances
mais il se révèle au contraire par les sentiments et les
passions.
C’est d’ailleurs par l’émotion ressentie que l’on
reconnaîtra sa marque ou son empreinte : lorsque l’on évoque
un projet ou un souhait en rapport avec son but de vie, alors les yeux
se mettent à briller et la joie inonde le cœur. Car l’être
intérieur reconnaît à cet instant ce pourquoi il est
ici.
Redevenir soi
Se réaliser, retrouver et accomplir son dessein de vie, c’est
redevenir soi. C’est retrouver qui l’on est vraiment, se reconnaître,
s’apprécier et s’aimer. C’est donner de la valeur
à ses propres idées, envies et intuitions, se faire suffisamment
confiance pour effectuer ses propres choix et suivre son inspiration.
C’est bien souvent quitter un statut de victime consentante ou de
serviteur soumis pour embrasser une carrière beaucoup plus exaltante
d’inventeur et de créateur de sa propre histoire.
Certains réalisent ainsi leurs rêves, y trouvent une joie et une satisfaction
profondes et contribuent à leur manière à l’avancement
de la société où ils évoluent.
Certains encore, doutant peut-être d’eux-mêmes, s’empressent
d’enterrer leurs rêves et font le choix… de ne rien choisir,
abandonnant à d’autres ou au hasard le soin de décider
des orientations fondamentales de leur vie.
Il en est aussi qui se trompent de rêve et réalisent celui
de quelqu’un d’autre, généralement leur père
ou leur mère, afin de conserver leur amour ou obtenir leur reconnaissance.
A force de se conformer, se contraindre, s’obliger et s’interdire,
certains ont fini par oublier leurs rêves et ne savent tout simplement
plus quel est leur vrai désir, ce qui pourrait les rendre réellement
heureux.
D’autres ont justement « tout pour être heureux »
(conjoint, enfants, belle maison, belle voiture, belle situation…).
Et il arrive parfois qu’un jour tout craque, parce qu’ils réalisent
qu’ils se sont complètement éloignés d’eux-mêmes
et de leur véritables aspirations.
Comment donc retrouver notre objectif de vie, ce pourquoi nous sommes là ?
Notre but de vie se trouve parfaitement connu et identifié dans
une zone de conscience à laquelle nous n’avons pas ordinairement
accès mais qui se manifeste de temps à autre par des intuitions,
désirs et prises de conscience.
L’attitude permettant de la retrouver consiste simplement à
s’ouvrir à son monde intérieur, à devenir réceptif,
intuitif et sensible, à laisser vivre son « enfant intérieur »
drôle, créatif et spontané
Quitter le connu
Parfois notre but dans cette existence consiste à créer un métier,
une activité ou un mode de vie qui n’existe pas encore : Il
s’agira alors d’oser quitter le connu, le prouvé ou le
certain pour imaginer et explorer de nouvelles manières de vivre,
de bâtir, de cultiver, de travailler, d’apprendre, de se soigner,
d’aimer…
Ainsi le but de vie est avant tout une mue intérieure.
Les situations et rôles que nous sommes appelés à
endosser ne sont que les cadres ou les moyens d’un enjeu autrement
plus important et personnel qu’est la transformation de soi. Le but
de vie ne peut donc se réduire à l’acquisition d’un
statut social valorisant ou à une réalisation unique ; c’est
en fait un processus amenant à se libérer de ses conditionnements,
à découvrir, explorer et exprimer sa véritable nature,
à devenir qui l’on est vraiment.
C’est pourquoi l’on pourrait comparer le but de vie à une couleur,
une note de musique ou encore un parfum ou une essence, en somme une qualité
d’être ou un sentiment qu’il s’agirait de produire
au terme d’un long et patient processus, par l’athanor ou l’alambic
des situations et évènements rencontrés.
On peut aussi le voir comme un arbre : un axe ou tronc central qui indique
la maturation intérieure recherchée et des branches latérales
d’inclinaisons et de grosseurs variées qui pourraient symboliser
les activités, relations, lieux et influences expérimentés.
Comme un diamant, notre objectif de vie présente donc de multiples
facettes (professionnelle, sociale, amoureuse, amicale, artistique, militante…),
chacune importante et concourant à l’harmonie et à
la réussite de l’ensemble.
Le but de vie ne peut dès lors être déterminé
que par soi-même. Aucune autorité extérieure, fut-ce
la plus compétente et la mieux intentionnée, n’est
habilitée à prescrire ce pour quoi nous sommes faits ni
à prendre à notre place les décisions concernant
nos choix fondamentaux de vie.
S’autoriser le meilleur
Au fond de nous-mêmes, nous savons parfaitement ce qui nous rendra
heureux. Au fond de nous-mêmes, nous connaissons pertinemment ce
que nous sommes venus accomplir et le chemin pour y parvenir.
Il s’agit seulement de se faire confiance, de donner de la valeur
à ses sentiments, de décider de se respecter et de s’autoriser
le meilleur.
La pratique de la liberté amène à découvrir que
le possible existe : ce dont on se croyait incapable se révèle
envisageable, ce pour quoi on s’imaginait inapte devient occasion
d’expériences et de découvertes fascinantes.
Mais beaucoup croient être tributaires d’un « destin »
intangible s’imposant à eux ou, dans sa version orientale,
d’un « karma » dont on ne pourrait s’affranchir
(justifiant en Inde l’inique système des castes), les condamnant
à subir leur sort plutôt que le créer.
Or ce destin ou ce karma n’est rien d’autre que la conséquence
de croyances et d’émotions latentes (comme la peur, la haine,
la culpabilité…) issues d’un passé plus ou moins
ancien, sur lesquelles on peut avoir prise et qu’il est possible
de progressivement transformer ou transmuter.
Il n’existe donc pas de futur tout tracé, de parcours obligatoire
ou de voie unique.
Il existe une infinité de futurs possibles : pour choisir notre
vie, nous n’avons que l’embarras du choix.
Le chemin ne sera étroit, aride ou douloureux que pour celui qui
le pense tel ; à nous d’avoir la sagesse de le créer
somptueux.
Extraits de
L'Écologie intérieure 1 : retrouver et réaliser son but de vie.